La Lecture
Tout ce qui touche à la lecture. Mots en folie, ingestion méthodique de livres en tous genres, gâteaux au citron et réflexions sur le sens de la vie sont au programme.
Lectures 2016 - Deuxième bilan
Ce semestre, en matière de lectures, c'était éclectisme et compagnie. Dans le tas : des livres pas inoubliables, d'autres pas inoubliables jusqu'au moment où ils sont devenus inoubliables, d'autres qui n'étaient pas super gentils mais c'est la vie et c'est mieux comme ça, et une ou deux relectures, parce qu'il en faut.
Les lames du cardinal, tome 1 - Pierre Pevel
Les aventures d'Alice au pays des merveilles - Lewis Caroll (traduit par Henri Parisot et illustré par Benjamin Lacombe)
Si c'est un homme - Primo Levi (par ici : https://b-dandelion.blog4ever.com/si-c-est-un-homme-primo-levi )
L'animal est une personne - Franz-Olivier Giesbert
Harry Potter and the philosopher's stone - JK Rowling (quoi, quoi, quoi, un problème ?)
Bohemian gospel - Dana Chamblee Carpenter
La tour de verre - Robert Silverberg (traduit par Simone Hilling)
Les routes de l'imaginaire - Hella S. Haasse (traduit par Annie Kroon)
Harry Potter and the chamber of secrets - JK Rowling
Après ça je me suis fendue d'un gâteau banane-chocolat et d'une pinte de sirop à la pomme (je vire alcoolique, c'est terrible) pour oublier qu'une victime est tombée au champ d'honneur : The drawing of the three de Stephen King, deuxième tome de la saga The dark tower . C'est rare que ça se termine par un abandon. Mais cette série n'est pas pour moi.
Mais concentrons-nous sur le positif et piochons intelligemment (ou pas) dans la liste :
Les routes de l'imaginaire - Hella S. Haasse
Traduit du néerlandais. Oui, le nom de cette auteure apparaît souvent. Non, ce n'est pas une illusion. Après avoir lu son long roman sur Charles d'Orléans (par là : https://b-dandelion.blog4ever.com/lectures-2016-premier-bilan), je ne voulais pas m'arrêter en si bon chemin.
Maya et Klaas sont en route pour une maison de vacances, où ce dernier est chargé d'écrire une enquête policière pour son journal. Mais, en secret, il se passionne pour un poète dont il veut faire connaître le travail. Maya était journaliste aussi, mais a quitté son poste pour élever leurs enfants. Quand ils ont un accident de voiture, Maya et les enfants sont pris à bord d'un poids lourd conduit par Joop, qui a des tas d'histoires bizarres et inquiétantes à raconter (qui m'ont évoqué les nouvelles tordues de Roald Dahl dans le recueil Kiss Kiss) .
Au final, ce roman m'a laissée perplexe. Pas tant dans le choix des thèmes : récit de voyage ? Collection d'histoires surnaturelles ? Enigme policière ? Quête artistique ? Romance usée par le quotidien ? Un peu tout ça mis dans un shaker avec une tranche de citron, et je ne me suis pas demandé "mais pourquoi elle nous raconte ça ?" . Quelque chose chez Hella Haasse fait qu'elle pourrait me raconter n'importe quoi, je lirai. La description de l'autoroute de nuit par exemple est très belle, et Joop est un sacré personnage. Tout comme, oh, le concierge de la maison de vacances, cet homme charmant ayant l'habitude de tourner dans le jardin avec son fusil. Et je n'ai pas aimé Klaas, que j'ai trouvé méprisant et déconnecté de la réalité, mais ça ne l'empêche pas d'être cohérent. Comme je le prévoyais, parce que Hella Haasse me surprend toujours, la fin m'a aussi agréablement surprise.
Alors... pourquoi perplexe ? Parce que certaines choses m'ont déplu, notamment dans la relation entre Klaas et Maya. Et dans cette optique la fin m'a tout de même déçue. Oui, d'accord, c'est compliqué.
Bohemian Gospel - Dana Chamblee Carpenter
Lu en anglais. XIIIe siècle en Bohême, la région est gouvernée par les rois Venceslas Ier et Ottakar II, son fils. Ce nom m'a fait tiquer, pas vous ? En français, son petit nom c'est Ottokar. MAIS OUI. Le sceptre d'Ottokar, une aventure de Tintin où...
Bon, bon, d'accord. Mouse, l'héroïne, est une orpheline de quinze ans qui a passé toute son enfance dans l'abbaye de Teplà. Lorsque le jeune roi y fait halte, mortellement blessé, elle lui sauve la vie grâce à ses dons de guérisseuse et découvre qu'un complot le menace. En route pour Prague, Ottakar emmène la jeune fille avec lui pour qu'elle veille sur sa guérison.
Bon, certains éléments m'ont ennuyée. Je ne suis pas réfractaire à la romance, mais là... trop attendue ? Trop présente, aussi ? Bref, l'histoire d'amour de Ottakar et Mouse ne m'a pas emballée. Alors que les personnages secondaires sont très vivaces ( entre autres, le père Lucas pour qui Mouse a une grande affection, ou le roi Venceslas, glaçant dans sa folie), les deux jeunes gens mont paru pâlots dans leur romance impossible.
A côté de ça, Bohemian Gospel est une jolie découverte horrifique. Mouse, en effet, a des dons, qu'elle évite d'utiliser pour ne pas attirer les démons qui la hantent. A l'abbaye, elle est à part. On la traite de sorcière. Dans sa nouvelle vie auprès du roi, Mouse dissimule autant qu'elle le peut ses pouvoirs. Mort, rites sanglants, forces maléfiques... bref, l'horreur est un ingrédient principal, et, tour de force, j'ai eu l'impression que sa présence était toute naturelle.
Si je devais faire un dernier reproche, ce serait par rapport au temps. Plusieurs mois voire des années peuvent séparer les événements, et j'ai eu le sentiment que ça desservait le rythme de l'ensemble... tout ne m'a pas plu, donc. Mais ensuite, mesdames et messieurs-dames, je suis arrivée à la fin, et elle était BIEN.
Harry Potter and the chamber of secrets - JK Rowling
Etant l'une des rares personnes à avoir lu ce livre, j'ai cru important de vous faire bénéficier de mon expérience.
En vrai, je me dis souvent qu'il est temps de relire la saga pour la deux-centième fois. Eh bien non seulement j'ai arrêté de plaisanter et je m'y suis mise, mais ce n'est QUE la troisième fois. Alors hein. Ca n'a pas loupé : troisième lecture, toute nouvelle impression. C'est ce que j'aime avec les bouquins adorés pendant l'enfance. On peut les relire au long de notre vie, on en retirera quelque chose de nouveau à chaque fois. La première fois, c'était une lecture immersive. Vous savez, quand vous n'êtes même plus conscient que vous lisez. La deuxième fois, au contraire, j'étais hyper consciente du processus, à l'affût de ce qui m'avait plu à l'époque, et de ce qui ne me plairait plus. Une relecture briseuse de mythe, forcément on se met à noter les défauts. Tous les livres ont des défauts...
La troisième lecture a été plus positive. Ce deuxième volet de la saga est plein d'humour fin et savoureux, mais aussi sensiblement plus noir que son prédécesseur. Ce côté sombre, il y a trois ans, m'avait semblé trop ténu par rapport à ce qui était raconté (y a du sang partout, des attaques, on entend des voix) mais d'un autre côté la légèreté permet au contraire une lecture fluide. Les descriptions sont bien campées sans prendre trois pages chacune, les personnages sont caractérisés de manière à laisser un rôle à l'imagination du lecteur.
Bon, des détails de l'intrigue me paraissent... étranges ? Illogiques ? Exemple tout bête... pourquoi il ne vient pas à l'idée des professeurs de Poudlard de fermer à clé (ou à baguette) les salles communes ou l'entrée principale de l'école la nuit, nom de nom ?
En tant que Serpentard à mi-temps, et attention c'est très sérieux, je me dois aussi de dire que c'est dommage, le manichéisme avec lequel la maison de Serpentard est décrite. Les élèves y sont globalement tous moches, bêtes, méchants ou les trois à la fois, et détestés par les autres. Certes, le fondateur n'avait pas que de bonnes idées, mais voyons, tous les adeptes du serpent ne sont pas soit des psychopathes soit des imbéciles, c'est impossible.
Je reste très fière du vert. En plus le vert, c'est une belle couleur. Voilà.
Sur cette subtile propagande pro-serpent (JOIN US), j'ai déjà beaaaaaaaaucoup trop écrit. Merci d'avoir tenu jusque-là, si vous êtes encore là, profitez du beau temps et à bientôt dans ces contrées faites d'encre et de papier !
Si c'est un homme - Primo Levi
Présentation
Si c'est un homme a été publié pour la première fois en 1947 à Turin. Il s'agit du premier des trois récits autobiographiques de l'écrivain italien Primo Levi (1919 - 1987). Traduit en français en 1987 par Martine Schruoffeneger, le livre retrace l'arrivée et la vie de l'auteur ainsi que de différents protagonistes dans le camp de concentration de Monowitz, en Pologne, de 1944 à 1945.
Avis
(en vrai la citation n'est pas celle que j'aurais voulu mettre mais diantre, je n'ai plus le livre sous la main et c'est la seule que j'ai notée.)
Je dois dire une chose : on m'a souvent parlé de ce livre avant que je ne me décide à le commencer, pourtant il a réussi à me surprendre de par son ton très sobre. Dans la préface, Primo Levi insiste sur son envie de retranscrire des faits, de faire un compte-rendu scientifique permettant ensuite de réfléchir au fonctionnement de l'esprit humain, par l'analyse d'une situation et d'un environnement particuliers, donc sans doute révélateurs.
Levi avait vingt-quatre ans quand lui et d'autres membres d'un mouvement révolutionnaire italien ont croisé la milice fasciste, en 1943. Il sera déporté en février 1944 vers Monowitz, un camp auxiliaire d'Auschwitz.
Première situation impensable : le trajet. Des dizaines de personnes entassées dans des wagons sans fenêtre, sans nourriture, sans eau, pendant des jours et dans le froid. Et puis le cauchemar éveillé continue : arrivés à destination, les gens son séparés sans explication, conduits dans des endroits étranges, déshabillés, passés à l'eau froide, puis laissés debout en rangs pendant des heures, toujours sans explication. Vous voyez l'ambiance. Et ce n'est que le début.
Dans le camp de Monowitz, les prisonniers sont destinés à travailler à la construction d'une usine de caoutchouc synthétique. Il y règne un ordre strict. Absurde, mais strict. Au début, Levi est un "bleu" qui ne comprend rien aux ficelles de cet univers. A ce titre, il est traité avec dérision et indifférence par les détenus plus anciens. Dans les camps, c'est chacun pour soi, alors il faut apprendre vite. Obligation de prendre une douche tous les jours, interdiction de ne pas porter sa chemise sous sa veste, interdiction de ne pas avoir tous ses boutons ou de perdre ses lacets, obligation de cirer ses chaussures (sans cirage à disposition)... il y a même un hôpital. Oui, un hôpital dans un camp d'extermination où les gens se tuent chaque jour à la tâche et sont destinés à mourir une fois qu'ils auront été jugés économiquement inutiles. Mais attention hein, si vous entrez dans cet hôpital avec votre écuelle et votre cuillère on vous les confisque et vous devrez vous en procurer de nouvelles le jour de votre sortie (si vous sortez), on ne sait comment puisqu'on n'en distribue pas deux fois. Là aussi, vous voyez le genre.
C'est une sorte de destruction par l'absurde, la mise en place d'un ordre qui défie les lois de la raison, tout ça mélangé à l'horreur sans fard qui éclate de temps à autre quand personne n'est préparé. C'est frappant de voir que les prisonniers ne tentent rien contre les SS, malgré leur supériorité numérique. Mais quand il est chaque jour question de survivre à l'anéantissement (mental et physique), on comprend qu'il soit difficile de s'organiser. Ceux qui en sont capables concentrent leurs forces à monter des combines, à échanger des rations de pain ou de soupe contre des choses qui, si petites soient-elles, peuvent faire la différence entre la vie et la mort, etc.
Primo Levi nous raconte plus d'une année de détention, jusqu'à la désertion du camp par les nazis à l'arrivée de l'armée russe. Il parvient à livrer un témoignage dépassionné : il parle peu de lui-même, décrit beaucoup ce qu'il voit et la vie des autres, insiste aussi sur un état qui n'est plus la vie, qui n'est pas encore la mort non plus, bref, un entre-deux dont il est sûrement difficile de prendre la mesure sans l'avoir vécu. Tout ce qui est en sous-jacence m'a frappée à retardement, au premier abord ça se lit bien mais au final, oui, ce livre est dur à sa manière.
En bref
Un témoignage instructif sur la vie quotidienne dans un camp d'extermination, au style sobre et informatif. Une lecture qui fait réfléchir sur l'époque de la deuxième guerre mondiale mais aussi, et beaucoup, sur la nature humaine.
Lectures 2016 : Premier bilan
Le mois de mars est passé, et le premier quart de l'année avec lui. Voilà qui mérite un petit bilan de lectures, non ?
Ces trois premiers mois, j'ai lu douze livres (publiés et auto-publiés). C'est pas mal, c'est pas mal, et sans compter les fictions du web. Moi qui pensais ramer bien plus que ça, je suis assez satisfaite. Et, comme je me découvre un étrange goût pour l'esthétique ordonnée des listes :
(dans l'ordre d'apparition)
- The little stranger, Sarah Waters
- L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, Romain Puértolas
- The gunslinger, Stephen King
- Un muffin au citron
- Quatorze minutes, Svetlana Kirilina
- Gravure d'argent, Yasmine Galenorn (traduction de Cécile Tasson)
- Les fiancés de l'hiver, Christelle Dabos (relecture !)
- Dead man's ransom, Ellis Peters
- Un thé au caramel
- Nuit, Sophia Laurent
- En la forêt de Longue Attente, Hella S. Haasse (traduction de Anne-Marie de Both-Diez)
- The incurables, Jon Bassoff
- Un oeuf de Pâques
- Les disparus du Clairdelune, Christelle Dabos
- La source cachée, Hella S. Haasse (traduction de Anne-Marie de Both-Diez)
Du très bon, du moins bon, du mauvais, de l'inattendu. Piochons intelligemment (ou pas) dans la liste pour dire quelques mots de certaines de ces lectures :
(il y a d'autres livres dont j'aurais voulu parler, mais ça aurait vraiment fait un article de douze kilomètres...)
The little stranger, Sarah Waters
Lu en anglais.
Immensément frustrant.
L'histoire se déroule dans la campagne anglaise, dans les années 1940 ; la famille Ayres est sur le déclin. Il ne reste qu'une mère et ses deux enfants dans la grande maison qui autrefois fut belle, mais qui désormais s'effondre et que leur fortune inexistante ne peut maintenir à flots. J'ai été conquise par la manière dont l'auteure campait ses personnages, surtout le fils Roderick chargé des affaires de la famille, en sa qualité de chef (eh oui, l'époque hein...), et le décor de cette maison délabrée, malsaine en fait... le roman est rangé dans la catégorie gothique, et on retrouve beaucoup d'éléments du genre. La maison semble hantée, et il plane aussi sur la famille l'ombre d'une autre enfant décédée en bas-âge. Le docteur Faraday, narrateur, va se prendre d'amitié pour eux et les aider à surmonter les mauvais tours que leur joue la maison. Le lecteur, avec lui, cherche des réponses aux questions posées par ces étranges manifestations... et deux trois fois j'ai vraiment eu les chocottes. A la fin, j'étais impatiente de découvrir le pot aux roses mais, DIABLE, c'est tellement frustrant. J'en étais limite à me demander si quelqu'un avait pas arraché les dernières pages. En même temps, il faut avouer que c'est bien joué. Parce que si on relit cette fin attentivement, on peut faire des suppositions et entrevoir quelques réponses... peut-être.
En la forêt de Longue Attente, Hella S. Haasse
Traduit du néerlandais.
Alors là, une tapisserie chargée de personnages et de lieux hauts en couleur, la fresque de toute une vie. Celle du poète de sang royal Charles d'Orléans (1394 - 1465), fils de Valentine Visconti et de Louis d'Orléans, frère de Charles VI. Héritier de l'influente maison d'Orléans à la mort de son père, il est soumis à d'énormes pressions politiques. Mais il est d'une nature introvertie et tournée vers la lecture. Fait prisonnier à Azincourt en 1415 pendant une bataille contre les Anglais, il restera vingt-cinq ans en captivité, et va se consacrer à l'écriture de poèmes et ballades. La révolte du jeune homme, l'espoir d'être libéré, puis la langueur et l'ennui de l'homme vieillissant, les souvenirs de sa jeunesse qui l'assaillent, tout ça est tellement bien décrit qu'on ne voit pas les pages passer. La forêt de Longue Attente, précisément, était un thème de son père repris ensuite par lui : errements, attente sans fin dans cette vie insatisfaisante.
Ce que j'aime dans les romans historiques en général et que j'ai adoré dans celui-là, c'est voir évoluer des personnages réels, les approcher de si près qu'on croit ensuite les connaître et qu'on regarde l'histoire avec de tout nouveaux yeux. Je pense bien sûr au poète et ses parents mais aussi à Charles VI, le roi fou, avec ses attaques de démence terrifiantes et sa lutte contre la maladie. On croise aussi brièvement, comme de petites surprises - imaginez qu'il s'agit d'oeufs de Pâques cachés dans les pages... je l'ai lu en février mais c'est pas grave - une Jeanne d'Arc (le frère bâtard de Charles sera un de ses compagnons d'armes) ou encore un François Villon.
Les disparus du Clairdelune, Christelle Dabos
C'est le deuxième tome de sa saga La Passe-Miroir. Pour l'occasion, j'ai relu le premier tome avec plaisir, histoire de mieux attaquer cette suite. Bon d'abord pour planter le décor, sans spoiler (non !) : dans le premier tome, l'héroïne Ophélie, jeune femme maladroite et timide dont toute la famille vit sur l'arche d'Anima, est contrainte de rejoindre la glaciale arche du Pôle où habite son fiancé Thorn, homme qu'elle ne connaît même pas. Elle découvre un monde dur, empli d'illusions et de tromperies à des lieues de son monde à elle. Dans ce deuxième tome maintenant, Ophélie plonge encore un peu plus dans les affaires malhonnêtes et les illusions de la Citacielle, cette cité volante où résident les nobles du Pôle gravitant autour de Farouk, souverain de l'arche. Ophélie et ses talents de liseuse (elle a un don lui permettant de lire le passé des objets qu'elle touche à mains nues) se retrouvent embarqués dans une enquête sur des disparitions suspectes, et confrontés à bien d'autres mystères.
Les décors de cour sont toujours aussi délétères et luxueux, l'ambiance empoisonnée... mais avec cette enquête, ce tome est tout de même inattendu en fait - ou c'est moi qui ai été surprise après tout - dans un rythme qui m'a semblé différent du premier. La fin, elle est encore plus inattendue mais pas de la même manière (vous me suivez là ?) et laisse vraiment présager un troisième tome et de nouveaux thèmes très intrigants.
Eh bien voilà. Vous pouvez retourner abuser des restes de chocolat, oeufs, lapins, cloches, vaches, chevaux... (pour les vaches en chocolat, oui c'est une certitude, ça existe. Pour les chevaux... ?)
Stay tuned, stay lemonised.
The Waves (Les Vagues) - Virginia Woolf
Résumé :
Publié en 1931.
" Les Vagues se compose d'une succession de monologues intérieurs entrecroisés de brèves descriptions de la nature. Chaque personnage donne sa voix et se retire dans un mouvement rythmé qui évoque le flux et le reflux des marées. "
Avis :
Virginia Woolf (1882 – 1941) faisait partie des auteurs inscrits sur ma liste estampillée " à découvrir absolument ". De son œuvre, à part deux titres (Mrs Dalloway et The Waves), je ne savais rien. Une découverte en mode sans parachute, donc.
Par hasard, et pour commencer, j'ai jeté mon dévolu sur The Waves. Un petit tour sur Wikipédia m'apprend maintenant qu'il est considéré comme son " roman le plus expérimental ". Bon. OK. Je ne suis pas entrée par la porte la plus évidente. J'avoue que les dix premières pages ont été difficiles, ce n'est pas le genre de bouquin qu'on embarque dans le train pour faire passer le temps (du moins pas sans avoir été prévenu au préalable de ce dans quoi on va mettre les pieds). Et c'est précisément ce que j'ai fait, donc j'ai d'abord été un peu fâchée avec ce livre (comprenez, j'avais très peu dormi ET j'étais coincée dans le wagon au milieu d'une turbulente famille).
Mais une fois le choc passé…
The Waves suit six amis : Jinny, Susan, Neville, Bernard, Rhoda et Louis qui prennent chacun leur tour la parole pour nous conter leur vie intérieure, nous donner leur vision des choses et des autres, et leurs réflexions en général. Pas de chapitre à proprement parler, seulement des sections de vie séparées par des descriptions d'un paysage en bord de mer, du lever du soleil jusqu'à son coucher. Je pense que ce paysage représente la vie, tout simplement, car à mesure que la journée avance puis décline, les personnages, d'abord enfants, grandissent, puis vieillissent.
Le tout est écrit dans une prose poétique pas toujours accessible. Je serais incapable de vous résumer l'intrigue, il n'y en a pas vraiment. Selon Woolf, son livre décrirait " the life of anybody " et c'est sans doute ça. A ceci près qu'on pourrait penser que c'est donc une lecture banale, sans conséquences. FAUX ! Ces plongées dans l'esprit de six personnes soulèvent des questions, provoquent réflexions et émotions à la pelle. On a l'impression d'être pris dans une toile, faite de fils que chacun tisse et entrecroise pour rendre compte d'une réalité complexe, insaisissable et éphémère. Le plus fort c'est que, pour moi, les six personnages ont gardé une nette singularité, tout en se fondant les uns avec les autres pour, finalement, ne former qu'une entité. D'ailleurs ils s'interrogent tous sur ce qu'ils sont, qui ils sont, ce qu'ils représentent. Et ils n'ont pas de réponse définitive, voire pas de réponse du tout. Je me souviens d'un passage précis où Bernard avoue ne plus savoir s'il est homme ou femme, ou s'il est même bien distinct des cinq autres.
Bref, je vais vous dire ce que je pense vraiment et attention, ça vient du cœur : The Waves, c'est un rendez-vous avec le néant et l'absurdité de l'existence. C'est le genre de livre qui nous met face à la fragilité de la vie et de ce qu'on essaie de construire. Le genre de livre qui nous fait penser que, oh mais c'est exactement ça, et que, oh mais c'est terrifiant. Le genre de livre, paradoxalement, qui réconforte. Beaucoup.
Seul défaut, à mon humble avis : la longueur. La forme est tellement originale qu'il faut de la patience (et aussi pas mal de concentration), et je me suis lassée sur les trente dernières pages.
En bref :
Une lecture que je recommande chaudement, si vous voulez vous creuser les méninges et apprécier une prose poétique et une belle description de sensations et d'émotions. Un livre qui ne manquera pas de déstabiliser et de questionner... et ne plaira peut-être pas à tout le monde !